Une pierre trois coups
C'est dans la revue "Friches", qui vient de faire paraitre son N° 100 que j'ai relevé ce morceau d'entretien avec Jean CHATARD :
Marc Bernelas : "Pourquoi avoir choisi (si choix il y eut) la poésie ?"
Jean Chatard : "Parce qu'un jour, enfant, j'ai appris "nuit de neige" de Guy de Maupassant. J'ai réalisé devant ce texte que la²poésie n'était pas un jeu gratuit mais le reflet exacerbé de la réalité"
Donc cet article :
1) vous présente (très brièvement) une revue "Friches" qui empreinte sa devise à Raymond Queneau (ça c'est le cadeau bonux)
"Dans la friche on sème des mots
pour qu'ils repoussent
bien plus beaux"
Mais vous pouvez en savoir plus sur la revue en cliquant à votre gauche dans autre promenade
2) vous cite un poète contemporain : Jean Chatard
CERTAINS BRUITS
Ils naissent très souvent de la trame et de
l'or ils sont méconnaissables
pour le mortel commun
On ne les voit dormir que lorsqu'ils
feignent d'oublier le sable marginal
Ils gravissent le bleu qui noie les
tourterelles et ploient avec lenteur
vers de nouveaux cadrans
Passagers d'une odeur ils
construisent des ports où des voiliers
mouillés accostent doucement
Ils font tinter parfois
le plus beau du rivage
Ils nomment blé la déchirure
Ils naviguent autour d'un nuage
inquiétant où les couleurs du ciel
inventent une fête
3) vous permet de retrouver "le goût de la madeleine," parce que vous aussi vous l'avez appris par coeur "Nuit de neige" , non, ah bon.
Nuit de neige
La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d'un bois.
Plus de chansons dans l'air, sous nos pieds plus de chaumes.
L'hiver s'est abattu sur toute floraison ;
Des arbres dépouillés dressent à l'horizon
Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.
La lune est large et pâle et semble se hâter.
On dirait qu'elle a froid dans le grand ciel austère.
De son morne regard elle parcourt la terre,
Et, voyant tout désert, s'empresse à nous quitter.
Et froids tombent sur nous les rayons qu'elle darde,
Fantastiques lueurs qu'elle s'en va semant ;
Et la neige s'éclaire au loin, sinistrement,
Aux étranges reflets de la clarté blafarde.
Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
Un vent glacé frissonne et court par les allées ;
Eux, n'ayant plus l'asile ombragé des berceaux,
Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.
Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;
De leur oeil inquiet ils regardent la neige,
Attendant jusqu'au jour la nuit qui ne vient pas.